La formation Commandant

IMG_3307.JPG

Après 3 ans de formation initiale et 13 ans d’activité en tant qu’Officier Pilote, je pars en formation Captain ! C’est une immense joie dans la carrière d’un pilote. J’ai décidé de relater ici, au gré des étapes, cette longue et exigeante formation qui démarre.

Selon les compagnies il s’écoule entre 5 et 15 ans pour devenir Commandant de Bord. Chez Air France, l’entrée a lieu comme Officier Pilote sur moyen courrier : A320 chez Air France ou Boeing 737 chez Transavia, filiale du Groupe Air France. C’est à ce moment que votre nom intègre la « LCP » (liste de séniorité). Vous progresserez ensuite sur cette liste en fonction des départs à la retraite et des embauches. Tous les 6 mois, une campagne de volontariat a lieu, durant laquelle vous pouvez exprimer vos choix pour postuler à un nouveau poste : il faut alors choisir le type avion et la fonction. Vous changerez de poste s’il y a un besoin sur un secteur et si vous avez l’ancienneté suffisante. Vous devrez alors suivre une formation adaptée appelée QT pour « qualification technique » sur l’avion de destination. (Je rappelle qu’en principe, un pilote ne travaille que sur un type avion bien précis comme par exemple Airbus 330/350 ou Boeing 777/787 ). Il y a 4 ans, venant de l’A320, j’ai ainsi fait une QT Boeing 777 et suivi des modules de cours spécifiques au long courrier. 

Aujourd’hui, c’est une situation identique, j’ai coché la fonction Commandant de Bord sur les avions A320, Boeing 737 et A220. L’A320 étant en train de réduire sa voilure, ce secteur devient difficilement atteignable. Quant à l’A220, sa mise en service est toujours prévue en septembre 2021, mais le nombre encore réduit d’avions rend ce secteur difficilement accessible. À l’inverse, Transavia est déjà très bien implanté, et consolide son réseau européen et domestique, avec l’arrivée d’avions dans la flotte malgré le contexte. Nous gardons l’espoir d’une de reprise courant 2021 et 2022.

La formation Commandant de Bord est l’opportunité unique de consolider toutes ses connaissances et expériences et d’aller encore plus loin en développant son leadership, son team-management, et son habileté à la prise de décision. Elle débute par un simulateur d’évaluation, sur votre machine actuelle, que j’ai effectué la semaine dernière.

Le simulateur : dans cette grosse boîte un avion aussi réaliste qu’en vrai.

Le simulateur : dans cette grosse boîte un avion aussi réaliste qu’en vrai.

Le scénario :

Un décollage de Hong Kong à masse élevée avec du brouillard. Puis lors de la montée, passant 10000 pieds, une panne très lourde à gérer : double panne hydraulique ou surchauffe moteur avec éventuelle panne moteur. 

Chaque panne génère un “Startle effect” c’est à dire un effet de surprise qui vous prend de cours. Votre stress augmente soudainement, vous rendant bloqué pendant un lapse de temps très court. Un moyen de contrer cela est de prendre une grande respiration abdominale puis d”annoncer et faire ces 3 éléments : FLY, NAVIGATE, COMMUNICATE. Fly : qui pilote ? Notre vitesse, poussée et altitude sont-elles sécurisées ? y’a t-il une procédure d’urgence à réaliser ? Navigate : où allons-nous ? Communicate : un message de détresse (Mayday) au contrôle aérien ? un message aux passagers ?

Ensuite, le traitement de la panne suit le schéma classique : réalisation des check-lists, puis analyse et bilan de la panne pour prendre la décision optimale (Déroutement ? Où ? Comment ?). Notre outil d’aide à la prise de décision se présente comme cela : 

Évaluer le temps disponible : s’agit-il d’une panne critique ? feu moteur non maitrisé ? feu cabine non maitrisé ? Dans ce cas il faut se poser au plus vite. Dans les autres situations, avons-nous le message « LAND AT NEAREST SUITABLE AIRPORT » ? (indiquant que le constructeur recommande de se poser assez rapidement) Quoi qu’il arrive, nous devons analyser la situation pour évaluer son urgence et le temps dont nous disposons.

Ensuite, les faits : ils se décomposent en un bilan technique, opérationnel et commercial.

Technique : analyser les systèmes perdus, ceux restants. Si besoin, chercher des informations supplémentaires dans notre documentation technique.

Opérationnel : analyser pour chaque phase de vol les conséquences que la ou les pannes impliquent. Descente, approche, remise de gaz, atterrissage, freinage, roulage.

Commercial : quelles conséquences pour nos passagers ? Quelles possibilités d’assistances techniques ? Quelles possibilités d’accueil, d’acheminement ou d’hébergement des passagers ? 

Puis il faut envisager des options, qui, dans ce scénario,  se résument à différents aéroports avec de multiples QFU (pistes) aux alentours. Macao, Shenzen, Ghuanzou.

Dans le cas d’une panne hydraulique avec dégradation du freinage, le point critique est la distance d’atterrissage. Nous vérifions donc celle-ci avec les conditions météo du jour. Cela nous permet de lister différentes options, avec les avantages et inconvénients de chacune.

L’instructeur au centre peut programmer les pannes qu’il souhaite. Les stagiaires, devant, peuvent transpirer, les aérateurs marchent comme dans un vrai avion.

L’instructeur au centre peut programmer les pannes qu’il souhaite. Les stagiaires, devant, peuvent transpirer, les aérateurs marchent comme dans un vrai avion.

Ce schéma, bien que succinct, peut s’avérer long et fastidieux avec des pannes lourdes. Je n’ai parlé que du freinage ici, mais il y a aussi une dégradation des commandes de vol, une sortie plus longue des trainées, un train d’atterrissage qui ne rentrera plus une fois sorti, des aérofreins qui ne sortiront pas automatiquement etc., etc., chaque perte nécessitant son analyse et sa gestion d’un point de vue des erreurs possibles, des menaces et de la gestion de celles-ci. Sans oublier qu’un avion long courrier à masse élevée, a besoin de larguer du pétrole pour atteindre une masse lui permettant de se reposer. Nous pouvons citer ici Richard de Crespiny et son livre “Fly” sur le traitement de la panne du Qantas flight 32 au décollage de Singapour en 2010. Il aura fallu pas loin de 2 heures à l’équipage pour traiter la panne d’un des 4 moteurs Rolls Royce Trent 900 de l’A380. Retenez qu’il n’y a pas de règles : chaque panne, chaque situation est unique et différente et demandera le regard expert des 2 pilotes pour les amener à prendre leur décision et surtout à estimer et gérer leur temps disponible.

Ce simulateur terminé, l’instructeur nous a donné ses conseils et remarques pour nous améliorer encore et nous approprier la fonction. Une mine de ressources et de connaissances, pour nous. J’ai de nombreuses fois été assis à gauche dans ma carrière, pour des qualifications, la suppléance Commandant, etc. mais ce jour-là, le sentiment est différent. Il y a quelque chose de concret désormais, en mettant un premier pied dans la formation de Commandant de Bord.

La suite dans le prochain épisode avec les 10 jours de cours et de présentation qui m’attendent en mars. Au menu : formation managériale, communication, gestion des conflits, droit aérien, choix carburant, exploitation tout temps, traitement des passagers, chargement, rôle du commandant, conditions hivernales etc… Le champagne attendra !

Previous
Previous

Captain training

Next
Next

Becoming pilot 2