Devenir pilote 2
Petit retour en arrière en l’an 2000, je suis en terminale. Pour les expériences de physique chimie, je suis en binôme avec Sarah. Elle est studieuse et travailleuse. De mon côté, après m’être laissé aller à l’adolescence, j’ai pris conscience de l’importance de mon parcours éducatif et je mets les bouchées doubles.
Conseil #4 : Faut-il être bon à l’école pour devenir pilote ? Certes, un niveau confortable vous apportera de l’aisance dans les sélections et les épreuves de l’ATPL (Airline Transport Pilot Licence). Mais les compagnies aériennes recherchent des personnes avec un niveau homogène dans tous les domaines. Il vaut mieux être moyen en tout, qu’excellent dans une spécialité. Vous allez piloter, communiquer, prendre des décisions sur des sujets variés, de la météo au droit aérien en passant par les facteurs humains. Piloter c’est gérer des priorités et des variations de charge de travail dans un environnement différent chaque jour. Peu de métiers abordent autant de sujets variés dans leur exécution.
Direction Prague !
Même si les places sont chères, l’entraide est une valeur de base des pilotes et contrôleurs aériens. Sarah sera ma coéquipière de réussite, nous réviserons ensemble le Bac que nous obtiendrons avec mention et elle rejoindra une classe préparatoire. Deux ans plus tard, elle réussira le concours de contrôleuse aérienne et rejoindra l’Enac. En 2002 mon téléphone sonne : «Hugo, j’ai réussi le concours de l’Enac contrôleur ! C’est un métier en or, je suis trop heureuse. Si je ne t’avais pas connu je n’y serais jamais arrivé ! ». Les bonnes actions et le travail paient. Sans le savoir, quelques années plus tard, elle me donnerait une clairance depuis son centre de contrôle en route de Reims dans mon Airbus A320 à destination de Prague. Le monde est petit. Vu du ciel, il l’est encore plus.
Le concours de l’ENAC, étapes 1 à 3
Durant ma 3ème année d’université je redouble d’efforts pour préparer le concours de l’Enac. J’ai plus de recul sur les programmes des concours et je les aborde sereinement.
15 ans plus tard je reviendrai à l’Enac avec ma caméra pour tourner le film “Pilote” pour Air France.
Étape 1 : les écrits de mathématiques, physique et anglais dans un centre de concours près de chez vous.
Sous forme de QCM, les épreuves de l’ENAC permettent de faire un premier tri. Pour chaque problème, il y a plusieurs questions qui suivent l’évolution du raisonnement vers la solution finale. Ainsi, une fois passées les deux premières questions triviales, il devient important d’avoir développé le raisonnement pour réussir la suite. C’est la course, il faut être rapide et juste.
Seul le travail paie ? Pas seulement, il y a une part de chance que vous ne maîtriserez pas. Certains disent qu’elle se crée. Je me souviens être tombé sur un exercice de thermodynamique que j’avais revu la veille… Je n’ai alors pas trop de doute quant à l’issue du concours et je suis convoqué pour les épreuves psychotechniques. Une nouvelle préparation commence.
Conseil #5 : Faut-il se préparer pour les épreuves psychotechniques ? Il y a toujours quelques élèves qui réussissent sans préparation. Officiellement, les épreuves « ne nécessitent aucune connaissance particulière », ce qui est vrai. Cependant la majorité des participants étant préparés, ils gagnent de précieuses secondes sur l’effet de surprise du début de l’épreuve et cela vous pousse à vous préparer aussi… Par contre, une sur-préparation intensive est déconseillée. Gardez du recul. Bachoter pourrait vous faire perdre vos moyens face à une épreuve nouvelle ou différente. Certains instituts de préparation professionnels sont recommandables si vous en avez les finances, en outre les infos pêchées sur internet aident beaucoup.
Étape 2 : les tests psychotechniques à Toulouse
Un mois plus tard, je prends l’avion pour Toulouse et je me rappelle avoir un peu d”appréhension lors du décollage. Je pense : tu veux devenir pilote et tu as peur en avion ? Puis je me rassure : ce n’est pas vraiment de la peur, dès que j’en apprendrai plus, cela disparaîtra. En allant attaquer les épreuves le lendemain, je vois des avions partout et il y a cette sensation de confiance en soi qui prend le dessus après tout le chemin parcouru. Vous serez mesurés sur : la rapidité à la prise de décision, la logique et surtout : le bon sens.
Pendant les sélections, vous rencontrez des gens, croisez des destins. Certains seront vos amis et vous les reverrez toute votre carrière, d’autres jamais. À la pause déjeuner lors d’une discussion, Mickaël donne son point de vue sur l’aviation : « Franchement, le train c’est beaucoup mieux, tu arrives en centre ville, il n’y a pas de filtres de sureté et c’est plus confortable! ». Il n’a pas complètement tort, j’apprécie le train, mais pour le jour J c’est l’avion que j’aime ! Nous ne reverrons pas Mickaël… Il faut savoir rester cohérent dans son projet professionel.
Étape 3 : le test psychomoteur
L’interface graphique du test psychomoteur.
Le lendemain matin, j’attaque l’épreuve psychomotrice. Un joystick, quelques boutons, une croix à garder centrée, des calculs à faire en même temps, des lettres à repérer. Je suis un peu surpris, le calibrage et les sensations sont différentes des simulations que j’ai pu trouver sur internet. Je me ressaisis et en une fraction de seconde je me retrouve en 1988, j’ai 5 ans. Avec mon grand frère nous déballons l’Atari que nous avons reçu pour Noël. Des heures passées le joystick en main devant la télévision… Mes parents diront que je joue trop, mais je développerai et entretiendrai mes réflexes et mon habileté. Tout est une histoire de timing, de dosage et de gestion de l’attention.
Conseil #6 : L’habileté se développe et s’entretient. Elle procure de l’aisance en pilotage de base, en formation et dans votre carrière. Piloter c’est apporter des corrections permanentes en fonction de ce que vous voyez dehors, de ce que vous ressentez et de ce que vous lisez sur vos instruments.
Je reçois ma convocation pour les dernières étapes de la sélection : les entretiens de groupe, individuels et d’anglais (dans le prochain épisode). Je brise le suspens : deux mois plus tard je recevrai une lettre de l’Enac, je serai admis ! Je vais rêver toutes les nuits que je pilote. Mais le rêve va s’arrêter net un mois avant de rentrer en formation : je vais être éliminé pour une raison que j’ignorais. Merci, au revoir !
La vie ne prend pas toujours le chemin que l’on imagine.